En 1926, le journaliste américain George Taylor formule l’hypothèse que la longueur des jupes fluctue en fonction de la santé économique : plus l’économie prospère, plus les jupes raccourcissent. Pourtant, les données récentes montrent un décalage entre les cycles économiques et les tendances vestimentaires.
Les ventes de jupes continuent de baisser, alors que d’autres vêtements, plus confortables, dominent les rayons. Contrairement aux prédictions de Taylor, l’évolution de la mode féminine semble répondre à de nouveaux critères, qui échappent aux simples indicateurs économiques.
Plan de l'article
La longueur des jupes, reflet des cycles économiques ?
Depuis des décennies, les archives de la mode s’amusent à tisser des liens entre la longueur des jupes et l’évolution de l’économie. Après la Première Guerre mondiale, les années folles voient les ourlets remonter, comme si la croissance économique se mesurait en centimètres de tissu en moins. Puis, la crise de 1929 ramène les jupes au ras des chevilles. Le fameux hemline index de George Taylor s’installe alors dans le paysage, séduisant stylistes et commentateurs avides de repères simples.
Mais la réalité s’est chargée de brouiller ce schéma. Dès les années 2000, même en période de croissance, les pantalons et vêtements amples s’imposent, reléguant la jupe au second plan. Les crises économiques, de 2008 à la pandémie, n’ont pas non plus ramené les jupes longues dans les rues. Le vestiaire féminin évolue, la jupe ne sert plus de baromètre à l’économie.
Quelques constats s’imposent si l’on observe les rayons et vitrines :
- La part des jupes diminue nettement, alors que les silhouettes amples gagnent du terrain.
- Les tendances privilégient le confort, bien plus que la croissance économique.
Le modèle linéaire de l’index des ourlets ne tient plus face à la complexité d’aujourd’hui. Observer les jambes dans la rue ne suffit plus à saisir ce qui motive les choix vestimentaires des femmes. Désormais, la question de la plus jupe s’inscrit dans un enchevêtrement de facteurs sociaux, culturels et personnels, loin des cycles économiques classiques.
Origine et limites de la théorie de l’indice de l’ourlet
Dans les années 1920, George Taylor, alors professeur à l’université de Pennsylvanie, imagine le hemline index : la longueur des jupes féminines varierait avec l’état de l’économie. Si la croissance est là, les ourlets remontent ; en cas de crise, ils s’allongent. Les médias spécialisés, comme Harper’s Bazaar, relaient cette grille de lecture séduisante. Mais la réalité finit toujours par dépasser la théorie.
La principale faille saute aux yeux : réduire le vestiaire féminin à une simple variable économique ne tient pas longtemps. Alexandra Harwood, historienne de la mode, le rappelle : l’irruption de la mini-jupe dans les années 1960-1970 casse le schéma linéaire. L’arrivée du pantalon, l’influence des mouvements de libération, la diversification des styles : autant de secousses qui rendent obsolète le « hemline index ».
Voici comment le modèle linéaire se révèle insuffisant :
- La multiplication des styles fragmente la silhouette féminine, rendant tout indice unique caduc.
- Les cycles économiques n’expliquent ni le retour de la jupe midi, ni la quasi-disparition de la jupe dans les années 2000.
Le vestiaire féminin, aujourd’hui, naît de la rencontre entre innovations textiles, attentes sociales et revendications identitaires. L’équation « prospérité = mini-jupe » ne tient plus. L’époque actuelle, marquée par une profusion de tendances, démontre que la mode file hors des cases trop serrées.
En regardant l’histoire de la mode féminine, on découvre un véritable laboratoire d’adaptation sociale. La mini-jupe, popularisée dans les années soixante par Mary Quant, incarne bien plus qu’un choix de longueur : c’est un symbole de libération, un geste d’émancipation. Et la jupe, loin de se figer, s’adapte sans cesse aux contextes sociaux.
La succession des modèles, de la jupe crayon de Coco Chanel à la jupe midi ou la micro-jupe, traduit à chaque fois des désirs et des besoins nouveaux. L’irruption du pantalon dans le vestiaire féminin, portée entre autres par Yves Saint Laurent, marque un basculement : le vêtement devient synonyme d’autonomie et de liberté de mouvement, pas seulement d’esthétique.
Plusieurs tendances se dégagent et dessinent le paysage d’aujourd’hui :
- La robe, longtemps symbole de féminité, recule face à des vêtements perçus comme plus pratiques.
- Peu à peu, les choix vestimentaires s’affranchissent des codes genrés et s’orientent vers l’individualisation des styles.
Les saisons passent, les tendances changent. Jeans, pantalons larges ou robes fluides se multiplient, au détriment de la jupe. Porter tel ou tel vêtement devient une manière d’affirmer sa singularité, de refuser des normes imposées. Ce bouleversement montre à quel point les femmes façonnent leur propre style, en accord avec leur époque, leurs envies, et leurs valeurs.
Entre émancipation et injonctions : que disent les tendances actuelles ?
Impossible désormais de parler d’uniformité à la Fashion Week. Sur les podiums, les jupes croisent pantalons amples, shorts, robes oversize. La diversité corporelle n’est plus un slogan, mais une réalité. Les créateurs multiplient les looks, ouvrant la voie à toutes les morphologies, toutes les identités. Cet élan se propage sur les réseaux sociaux, où Instagram regorge de publications célébrant des styles variés : la jupe n’est plus le passage obligé, mais une option parmi d’autres pour les femmes qui veulent s’habiller selon leur humeur ou leur silhouette.
Les débats autour de l’identité de genre participent aussi à ce nouveau paysage. Les frontières entre masculin et féminin s’estompent. La jupe cesse d’être un symbole obligé de féminité. Désormais, la saison printemps s’autorise toutes les audaces, loin des prescriptions figées.
Quelques tendances marquantes émergent :
- La mode plus encourage la liberté de choix : mini-jupe, jupe longue, ou pas de jupe du tout.
- La pression sociale a changé de cible : il ne s’agit plus de dévoiler ou non ses jambes, mais de reprendre la maîtrise de son image.
Et cette dynamique dépasse largement les podiums. Dans la rue, les femmes affichent une liberté nouvelle, alternant pantalons larges, robes fluides ou absence totale de jupe. Les tendances actuelles témoignent d’un désir d’affranchissement, tout en restant attentives à la perception du corps et à la portée politique du vêtement. La jupe, aujourd’hui, n’est qu’une possibilité parmi d’autres pour celles qui veulent composer leur style à leur façon. Demain, qui sait ce que racontera la rue ?