Une réforme peut parfois sembler n’être qu’un jeu de paperasse pour juristes avertis. Pourtant, derrière l’article 750-1 du code de procédure civile, c’est toute la dynamique des litiges civils qui se trouve bouleversée. Depuis le 1er janvier 2020, l’accès au juge pour certains litiges de droit civil passe par une étape préalable obligatoire. L’absence de démarche amiable peut entraîner l’irrecevabilité de la demande, sauf dérogations strictement encadrées. Cette exigence ne s’applique pas uniformément à toutes les situations, mais concerne un ensemble précis de contentieux, avec des seuils financiers et des matières expressément listées. Les professionnels du droit sont confrontés à des obligations procédurales renforcées et à une évolution marquante des pratiques devant les juridictions civiles.
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Le retour de l’article 750-1 CPC : contexte et évolution récente
Avec sa réapparition, l’article 750-1 du code de procédure civile rebat les cartes pour tous ceux qui naviguent dans les eaux du contentieux civil. Ce texte, passé sous l’œil vigilant du conseil d’État, affiche une volonté claire : alléger la charge des tribunaux civils, tribunal judiciaire en tête, grâce à une étape amiable préalable. L’objectif est transparent : filtrer les dossiers à faible enjeu financier, désamorcer des conflits avant même l’audience et responsabiliser les parties.
Le nouveau premier alinéa de l’article impose, sauf exceptions, la tentative de résolution amiable avant toute action judiciaire. Les habitudes changent : avocats, justiciables, magistrats, tous réajustent leur façon d’aborder un dossier. Les actualités juridiques de ces derniers mois montrent à quel point la doctrine débat, tandis que la cour de cassation commence à baliser l’application du texte. L’obligation s’étend désormais à une gamme élargie de litiges civils, mais des dérogations subsistent pour certains cas.
La jurisprudence, notamment celle des cours d’appel, affine les contours de cette étape préalable. Elle tient compte de la réalité : disponibilité parfois insuffisante des conciliateurs de justice, situations d’urgence, ou impossibilité concrète d’organiser une médiation. La procédure civile évolue, influencée par les réformes successives du CPC et par un dialogue constant entre juges du fond et la haute juridiction. Plus qu’une simple formalité, cette exigence interroge l’accès au juge et redéfinit le rôle de la loi dans la gestion pacifiée des conflits civils.
Quelles démarches amiables sont désormais exigées avant de saisir le juge ?
La tentative amiable s’impose à présent comme une étape incontournable avant d’ouvrir la porte du tribunal civil. L’article 750-1 du code de procédure civile ne laisse pas de place à l’approximation : celui qui souhaite saisir le juge doit démontrer ses efforts pour résoudre le litige autrement. Trois voies précises sont à la disposition des parties, chacune avec ses caractéristiques propres :
- La conciliation : prise en charge par un conciliateur de justice, cette solution invite les parties à dialoguer dans un cadre confidentiel, gratuit et généralement rapide. Le conciliateur, neutre, aide à rapprocher les points de vue, sans imposer de décision.
- La médiation : ici, un médiateur agréé intervient, souvent pour ses compétences spécifiques, qu’elles soient juridiques, techniques ou humaines. La médiation vise à renouer le dialogue et à permettre aux parties d’élaborer un accord sur mesure.
- La procédure participative : dans ce cas, les avocats des parties s’engagent dans une convention à chercher une solution négociée, dans un cadre structuré, en dehors du tribunal.
Le choix entre ces options appartient aux parties, mais il leur revient de prouver la tentative de règlement amiable dans l’acte introductif d’instance. La résolution amiable des litiges n’est plus un vœu pieux : c’est une étape structurante, sans laquelle la demande risque d’être rejetée. Ce changement pousse les justiciables à mieux préparer leur dossier, à solliciter davantage les professionnels de la médiation et à anticiper la confrontation des arguments. Le contentieux civil se transforme : la stratégie procédurale se construit en amont, et la prévention s’installe au cœur de la résolution des conflits.
Conditions d’application et cas de dispense : ce que prévoit le texte
L’article 750-1 du code de procédure civile établit des règles précises. Saisir le tribunal judiciaire pour un litige en dessous de 5000 euros ou pour certains types de conflits comme le trouble anormal de voisinage suppose la preuve d’une tentative préalable de conciliation, de médiation ou de procédure participative. Cette obligation s’inscrit pleinement dans la nouvelle logique du contentieux civil.
Toutefois, le texte tient compte des réalités du terrain. Certains cas de dispense sont inscrits dans la loi et appliqués strictement par les juges. L’obligation de démarche amiable peut être écartée si l’une des parties démontre un motif légitime : urgence manifeste, impossibilité d’obtenir un rendez-vous auprès d’un conciliateur, ou incapacité à organiser une réunion dans un délai raisonnable. L’indisponibilité des conciliateurs, fréquente dans certaines régions, entre elle aussi dans ce registre dérogatoire.
Voici les principales situations où la dispense s’applique :
- Litiges relevant d’une procédure simplifiée de recouvrement de créances
- Recours devant la justice administrative
- Situations où la sécurité ou la protection d’une partie l’exige
Le point de vigilance concerne la preuve : la démarche amiable doit être explicitement mentionnée dans l’acte introductif d’instance, avec les diligences concrètes effectuées. À défaut, sauf cas de dispense, la demande peut être déclarée irrecevable d’office. Le débat se déplace alors sur le terrain procédural, ajoutant une couche de complexité à l’accès au juge civil.
Sanctions, effets pratiques et comparaison avec l’ancienne procédure civile
Le non-respect de l’article 750-1 du code de procédure civile ne se solde pas par un simple rappel à l’ordre. Un dossier sans preuve de tentative de résolution amiable expose son auteur à une irrecevabilité immédiate, prononcée d’office par le juge. Cette arme procédurale permet de filtrer les contentieux et pousse les parties à prendre leurs responsabilités dès l’amont.
Au quotidien, les conséquences sont tangibles. Des justiciables mal informés voient leur action écartée, tandis que certains avocats brandissent l’absence de démarche amiable pour protéger les intérêts de leur client. La question de la prescription agite les débats : selon la nature de la tentative amiable, la suspension ou l’interruption du délai varie. Une conciliation aboutie interrompt la prescription, mais une simple démarche restée sans suite ne produit pas nécessairement le même effet. Autre point de friction : les frais liés à la tentative amiable, peu souvent couverts par la protection juridique, qui viennent alourdir la procédure.
Mettre en perspective ce dispositif avec l’ancienne procédure civile fait apparaître un véritable changement de culture. Hier, l’accès direct au juge s’imposait comme la norme ; la médiation et la conciliation restaient marginales. Désormais, la tentative de règlement amiable des litiges devient un passage obligé. La nullité pour vice de forme, jadis au cœur du débat, laisse la place à l’irrecevabilité, et les réflexes contentieux cèdent du terrain à une logique de négociation préalable.
Le paysage judiciaire s’est redessiné. Ceux qui s’y aventurent sans préparation risquent de se retrouver face à une porte close, là où, désormais, la discussion et la recherche d’accords occupent la première scène. L’audience, elle, n’est plus le premier acte, mais l’ultime recours.